« We are coming to understand health not as the absence of disease, but rather as the process by which individuals maintain their sense of coherence and ability to function in the face of changes in themselves and their relationships with their environment. »
 – Aaron Antonovsky –

 

Gilles Favro – 6 août 2015.

Que feriez-vous si nous vous annoncions que les scientifiques ont récemment mis au point un médicament révolutionnaire ?

Imaginez que ce médicament ait de multiples effets sur la santé, le bien-être et la qualité de vie des personnes qui suivent scrupuleusement les doses et les prescriptions recommandées.

Imaginez que ce médicament :
– traite et prévienne le diabète, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires ;
– réduise significativement les risques de mortalité liés au cancer du sein ou au cancer du côlon ;
– prévienne les démences dégénératives induites par le vieillissement ;
– ait un effet protecteur contre l’anxiété, la dépression ;
– réduise significativement les rechutes après un épisode dépressif majeur ;
– facilite le sommeil, l’estime de soi et renforce le bien-être physique et émotionnel ;
– favorise une vie sexuelle épanouie ;
– prolonge l’espérance de vie de plusieurs années…

Si cela était vrai, vous vous précipiteriez immédiatement chez votre pharmacien !!!

Pourtant, ce médicament est en vente libre depuis de nombreuses années…et en plus il est gratuit (ou presque).

En fait, il ne s’agit pas d’un seul médicament mais de plusieurs substances, dont l’efficacité clinique combinée a été scientifiquement validée :
– 30 à 40 minutes d’exercice physique d’intensité modérée 3 à 5 fois par semaine.
– 10 à 20 minutes d’exercices de pleine conscience (mindfulness) nécessitant une attention ciblée de certains aspects de l’expérience sensorielle ou émotionnelle (respiration, corps, pensées et émotions, amour bienveillant…)
– 7 à 8 heures de sommeil par nuit,
– Expérimenter plusieurs fois par jour des émotions positives liées à des activités agréables ou des relations positives.
– Prendre soin de sa nutrition et son équilibre alimentaire.

Activité physique et santé : « Just do it… »

Selon la revue médicale britannique The Lancet, le manque d’activité physique serait aujourd’hui responsable d’un décès sur dix dans le monde. (The Lancet – 2012)

Le mode de vie contemporain est propice à une diminution de l’exercice physique et à une plus grande sédentarisation. Lorsque l’on observe l’évolution de l’activité physique des français au cours des 200 dernières années, celle-ci était supérieure à huit heures par jour au début du XIXeme siècle, alors qu’elle représente moins d’une heure par jour aujourd’hui. (source : IRMES)

Cette évolution sociétale a pour conséquence, une augmentation des facteurs de risque pour la santé comme la surcharge pondérale, l’hypertension artérielle, les maladies cardio-vasculaires, le diabète et le cancer.

Or, de nombreuses études scientifiques ont montré la corrélation existant entre une activité physique modérée et la prévention des risques de cancer, la réduction des maladies cardio-vasculaires et du diabète. (Khaw et al., 2008; Ornish et al., 2008)

Activité physique

Selon l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), une activité physique pratiquée de manière modérée (minimum 30 minutes par séance, 5 jours/semaine) permettrait une réduction de la mortalité de 25 à 35 % chez les patients atteints d’une maladie coronarienne.

D’autres études ont mis en évidence qu’une activité physique régulière permettait de réduire de 30 à 40 % les risques de cancer du sein et de 40 à 50% les risques de cancer du côlon. En ce qui concerne la prévention des rechutes, une étude récente a mis en évidence « 40 à 50 % de rechutes en moins pour les patients atteints d’un cancer qui ont une activité physique régulière, intense, structurée. » (Bouillet ; 2015)

Toutefois, les résultats les plus significatifs en matière de promotion et de prévention de la santé ont été obtenus dans le traitement des troubles psychologiques, notamment dans le traitement de la dépression légère à modérée.

Les nombreuses études d’observations transversales, prospectives et rétrospectives, ont mis en évidence que l’exercice physique est à la fois préventif et thérapeutique. D’un point de vue thérapeutique, il se compare favorablement à la pharmacothérapie et à la psychothérapie. (Dowd et al., 2004; Sidhu et al., 2009).

D’après Landers et Arent (2001), 6 méta-analyses portant sur 159 articles publiés entre 1991 et 1994, ont démontrées qu’une activité physique modérée a des effets significatifs sur la réduction de l’anxiété et du stress. Ces effets seraient observés 30 minutes après le début de l’activité physique et se prolongeraient jusqu’à 2 heures après la fin de l’exercice.

Une étude épidémiologique (Harris et coll., 2006) portant sur une cohorte de 424 adultes dépressifs suivis sur 10 ans souligne qu’à chaque évaluation (1 an/4 ans/10 ans) un fort niveau d’activité physique est associé à un faible niveau de dépression.

Enfin une étude (Blumenthal, Babyak et coll ; 1999) portant sur 156 patients souffrant d’épisodes dépressifs majeurs, a démontré qu’une activité physique modérée (30 minutes d’exercice par séance ; 3 fois par semaine), a des effets comparables à ceux observés chez des patients traités par steraline (antidépresseur de la famille des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine.)

Cette étude, qui s’est prolongée sur une période de 10 mois, a mis en évidence que les taux de rechute étaient significativement moins élevés chez les patients qui continuaient leur activité physique (8 %) ; comparativement à 38 % de ceux qui prenaient le médicament et 31 % pour ceux qui combinaient antidépresseur et activité physique. (Babyak et al. 2000).

Les chercheurs ont également observé chez les patients qui pratiquaient une activité physique régulière un « effet de dose » à l’exercice : chaque augmentation hebdomadaire de 50 minutes d’exercice diminuait de 50 % le risque de rechute.

Comme le souligne le Harvard Mental Health Letter (2005), « l’activité physique est un traitement peu coûteux, avec pas ou peu d’effets secondaires qui est insuffisamment utilisé pour une variété de troubles mentaux ».

« Be mindful…! »

La pleine conscience bénéficie d’un formidable engouement depuis ces dix dernières années, aussi bien auprès du grand public que des professionnels de santé.

Le succès rencontrés par les protocoles de type MBSR, dans le traitement du stress, des maladies chroniques et de la dépression ; l’émergence des thérapies de la troisième vague ( Acceptance and Commitment Therapy ; Dialectical Behavior Therapy ; Mindfulness Based Cognitive Therapy…), ont mis en évidence que les interventions thérapeutiques centrées sur la pleine conscience peuvent influencer positivement la réussite du traitement et la qualité de vie des patients.

Bien qu’il existe de nombreuses disciplines et pratiques ancestrales qui permettent de cultiver la pleine conscience (e.g., yoga, tai chi, qigong; Siegel, 2007), la majorité des publications scientifiques ont mis l’accent sur l’attention développé par la méditation de pleine conscience ou « mindfulness ».

La pleine conscience peut-être définie comme une conscience de ce qui est présent ici et maintenant ; “moment-by-moment awareness” (Germer et al.,2005) ou comme un « état de liberté psychologique qui se produit lorsque l’attention reste calme et souple, sans aucun attachement. «  (Martin, 1997 )

Pour Kabat-Zinn (1990), il s’agit d’un «Etat de conscience qui résulte du fait de porter son attention, intentionnellement, au moment présent, sans juger, sur l’expérience qui se déploie moment après moment. »

Il s’agit de favoriser par des pratiques formelles ou dans les activités quotidiennes :
– le développement de l’attention et de la conscience du corps ;
– des automatismes de pensée (pilote automatique) ;
– des processus de pensée à l’origine des émotions ;
et de s’entraîner à l’acceptation inconditionnelle de l’expérience du moment présent (sensations, émotions, pensées, éléments de l’environnement)

Mindfulness benefits

La recherche a mise en évidence l’existence de nombreux bénéfices intra personnels notamment en ce qui concerne
– le développement de l’attention et de la flexibilité cognitive (Farb et al., 2010; Williams, 2010).
– la régulation des émotions (Corcoran, Farb, Anderson, & Segal, 2010; Farb et al., 2010; Siegel, 2007).
– la diminutions des auto-ruminations (Chambers et al.,2008)
– le développement de la flexibilité cognitive (Davidson, 2000; Davidson, Jackson, & Kalin, 2000).
– le développement de la mémoire de ’’travail ’’ en situation de stress, qui permet d’effectuer une tâche tout en retenant une information (Jha et al., 2010)
– la flexibilité psychologique qui est la capacité de passer d’un comportement à un autre en fonction des exigences de l’environnement. (Moore et Malinowski 2009).

Les études ont également mis en évidence des changements observables dans les relations interpersonnelles :
prévention des effets émotionnellement stressants dans une relation conflictuelle (Barnes et al., 2007) ,
– capacité de s’exprimer positivement dans diverses interactions sociales (Dekeyser el al., 2008) ;
– est un prédicteur de relations sociales satisfaisantes (Barnes et al., 2007; Wachs & Cordova, 2007).
– est positivement associé au développement de l’empathie (Anderson, 2005; Fulton, 2005; Martin, 1997; Morgan & Morgan, 2005; Shapiro & Izett, 2008; Walsh & Shapiro, 2006),

Enfin, les scientifiques ont établis des correlations entre pleine conscience et :
– accroissement du système immunitaire (Davidson et al., 2003; Grossman, Niemann, Schmidt, & Walach, 2004)
– amélioration du bien-être (Carmody & Baer, 2008)
– réduction de la détresse psychologique (Moore & Malinowski, 2009)
– réduction des symptômes psychologiques liés à l’anxiété (Kabat-Zinn et al., 1992)
– réduction de la douleur (Kabat-Zinn, Lipworth, & Burney, 1985)

D’autres recherches ont montré qu’un entraînement quotidien à la pleine conscience modifie  certaines aires cérébrales ;  une activation du cortex préfrontal gauche qui est associé à l’humeur positive (Davidson 1982, 2000, 2003) ;  et une diminution de l’activité dans l’amygdale, qui est liée au stress et à l’anxiété. (Hölzel et al., 2011)

Certains de ces bénéfices ont été observés au bout de quelques semaines, après une pratique quotidienne de 20 minutes par séance ; 5 jours par semaine. (Tang, Y., et al., 2007)

D’autres chercheurs ont observé que la pratique de la pleine conscience conduit à des améliorations significatives des compétences cognitives, après seulement 4 jours de formation à raison de 20 minutes par jour. (Zeidan, F., et al., 2010)

Références bibliographiques :

– Babyak M, Blumenthal JA, , et coll. Exercise treatment for major depression: maintenance of therapeutic benefit at 10 months. Psychosom Med 2000, 62 : 633-638
– Carmody, J., & Baer, R. A. (2008). Relationships between mindfulness practice and levels of mindfulness, medical and psychological symptoms and well-being in a mindfulness-based stress reduction program. Journal of Behavioral Medicine.
– Davidson, R. J. (2000). Affective styles, psychopathology, and resilience: Brain mechanisms and plasticity. American Psychologist.
– Davidson, R. J., Jackson, D. C., & Kalin, N. H. (2000). Emotion, plasticity, context, and regulation: Perspectives from affective neuroscience. Psychological Bulletin.
– Davidson, R. J., Kabat-Zinn, J., Schumacher, J., Rosenkranz, M., Muller, D., Santorelli, S. F., & Sheridan, J. F. (2003). Alterations in brain and immune function produced by mindfulness meditation. Psychosomatic Medicine
– Dowd, S., Vickers, K., & Krahn, D. (2004). Exercise for depression: How to get patients moving. Current Psychiatry, 3(6), 10–20.
– Farb, N. A. S., Anderson, A. K., Mayberg, H., Bean, J., McKeon, D., & Segal, Z. V. (2010). Minding one’s emotions: Mindfulness training alters the neural expression of sadness.
– Hölzel, B. K., J. Carmody, M. Vangel, C. Congleton, S. M. Yerramsetti, T. Gard & S. W. Lazar. (2011). Mindfulness practice leads to increases in regional brain gray matter density. Neuroimaging, 191, 36-43.
– INSERM, Activité physique
 ; Contextes et effets sur la santé © Les éditions Inserm, 2008
– Jha, A. P., Stanley, E. A., Kiyonaga, A., Wong, L., & Gelfand, L. (2010). Examining the protective effects of mindfulness training on working memory capacity and affective experience. Emotion, 10, 54 – 64. doi: 10.1037/a0018438
– Kabat-Zinn, J. (1990). Full Catastrophe living: Using the wisdom of your body and mind to face stress, pain, and illness. New York: Dell.
– Khaw, K. T., Wareham, N., Bingham, S., Welch, A., Luben, R., & Day, N. (2008). Combined impact of health behaviours and mortality in men and women: The EPIC-Norfolk Prospective Population Study. Obstetrical & Gynecological Survey,
– Germer, C. K. (2005). Mindfulness: What is it? What does it matter? In C. K. Germer, R. D. Siegel, & P. R. Fulton (Eds.), Mindfulness and psychotherapy (pp. 3–27). New York: Guilford Press.
– Germer, C. K., Siegel, R. D., & Fulton, P. R. (2005). Mindfulness and psychotherapy. New York: Guilford Press.
– Goldin, P. R., & Gross, J. J. (2010). Effects of mindfulness-based stress reduction (MBSR) on emotion regulation in social anxiety disorder. Emotion, 10, 83–91. doi:10.1037/a0018441
– Landers DM, Arent SM. Physical activity and mental health. In : The handbook of research in sport psychology. SINGER RN, HAUSENBLAUS HA JANELLE C (eds). Wiley, 2001 : 740-765
– Moore, A., & Malinowski, P. (2009). Meditation, mindfulness and cognitive flexibility. Consciousness and Cognition.
– Ornish, D., Lin, J., Daubenmier, J., Weidner, G., Epel, E., Kemp, C., . . . Blackburn, E. H. (2008). Increased telomerase activity and comprehen- sive lifestyle changes: A pilot study. The Lancet Oncology,
– Shapiro, S. L., & Izett, C. D. (2008). Meditation: A universal tool for cultivating empathy. In S. F. Hick & T. Bien (Eds.), Mindfulness and the therapeutic relationship (pp. 161–175). New York: Guilford Press.
– Siegel, D. J. (2009). Mindful awareness, mindsight, and neural integration. The Humanistic Psychologist, 37, 137–158.
– Tang, Y., Ma, Y., Wang, J., Fan, Y., Feng, S., Lu, Q., . . . Posner, M. I. (2007). Short-term meditation training improves attention and self- regulation. PNAS Proceedings of the National Academy of Sciences, USA of the United States of America,
– Zeidan F. et al. Mindfulness meditation improves cognition: Evidence of brief mental training. Consciousness and Cognition, 2010

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RESPIRE : Je bouge, donc je pense. Je respire, donc je suis. (Editions l'Harmattan 2021)Voir