« L’ACT a pour but de favoriser et de maintenir la flexibilité psychologique. La flexibilité psychologique peut être définie comme la capacité d’une personne, à être présent et ouvert à l’expérience telle qu’elle se déroule, et selon la situation entreprendre consciemment une action engagée au service de ses valeurs profondes. «  (Hayes, Strosahl & Wilson, 1999).

Egide Altenloh, 12 mars 2018.

Depuis des années, les chercheurs étudient les profils des grands leaders de notre temps sans jamais trouver “Le” profil du leader le plus amène de guider ses troupes vers le succès. C’est heureux.

De nombreuses théories émergent, toutes aussi intéressantes les unes que les autres, mettant en avant tantôt des caractéristiques comportementales, tantôt des styles motivationnels, tantôt des types transactionnels. Pour être honnête, on s’y perd un peu dans cette foultitude de théories.

Depuis quelques années, dans le monde du leadership, on parle de plus en plus de valeurs, d’authenticité, d’être soi. Sans doute est-ce dû à une grogne des employés qui n’ont plus confiance en leurs CEO. Selon l’Edelman Trust Barometer de 2018, la confiance dans les leaders est en crise. 66% des personnes interrogées dans plus de 25 pays considèrent que leurs CEO ne sont pas crédibles, 60% considèrent que leurs CEO ne sont mûs que par l’avidité. Comment retrouver la confiance des équipes dans un tel contexte ?

La réponse est simple en apparence : être authentique, transparent, et porter des valeurs partagées par les employés.

Je dis “simple en apparence” car la poursuite de l’authenticité est un mythe : on ne peut pas intentionnellement être authentique, on l’est ou on ne l’est pas. Chercher à le devenir est une démarche qui n’aboutira qu’à un gimmick qui ne leurrera personne. Ensuite, la transparence est importante mais être sans filtre n’est pas une bonne chose comme le démontre l’analyse de Ibarra (2015) des “true-to-selfers”. Finalement porter des valeurs partagées ne se fait pas comme on porte une chemise. On ne décide pas de nos valeurs personnelles. On les découvre et on les assume, ce qui est déjà une démarche laborieuse, mais en changer ou les choisir comme on choisit sa chemise en fonction de la mode va à l’encontre de la définition même d’une valeur.

Cependant, bien que ce ne soit pas une démarche facilement réalisable en auto-coaching (en achetant tout de même LA méthode, faut pas rêver), il est possible de se faire accompagner sur ce chemin de l’authenticité, de la transparence et des valeurs. L’Acceptance and Commitment Training (ACT), une méthode de coaching inspirée de la thérapie éponyme, propose des pistes intéressantes.

Cette méthode de coaching est prometteuse dans la mesure où elle s’appuie sur une thérapie étudiée très sérieusement depuis plusieurs années et qui centre le coeur de son intervention sur les valeurs des patients, l’authenticité et la flexibilité psychologique. Quelques adaptations permettent d’en faire une méthode de coaching très efficace pour développer un leadership authentique chez les coachés.

Cette méthode demande une sérieuse préparation de la part du coach et un profond travail sur ses représentations du coaching car l’exploration des valeurs nécessite de passer par la case de la vulnérabilité profonde et nue du coaché. Or, cette perspective repousse de nombreux coachs, renvoyant les émotions chez le psy. C’est une erreur. Ressentir des émotions fortes et un sentiment de vulnérabilité profond lorsqu’on touche à quelque chose de fondamental en soi n’est pas une maladie mentale mais plutôt le signe d’une bonne santé.

Certains trouvent des moyens d’explorer “intellectuellement” les valeurs, mais c’est aussi une erreur. L’exploration des valeurs ne se fait pas avec la tête, mais avec les tripes car elles s’enracinent en des moments forts de la vie du coaché.

Une des grandes difficultés dans la maîtrise de l’ACT par un professionnel est qu’il n’existe pas de protocole “clé en main”. C’est une méthode basée sur des processus et le travail sur l’un ou l’autre processus se fait en fonction de ce qui se présente en séance.

L’ACT, en coaching professionnel, se propose généralement de travailler sur 3 axes : les valeurs, la présence et le choix.

Les valeurs, en ACT en tout cas, sont ces choses qui comptent pour nous, en dehors de nos activations émotionnelles. La vengeance n’est pas une valeur, mais la justice pourrait être un thème porteur de sens. Une valeur est un quelque chose décrit sous la forme d’un verbe ou d’une action. Un concept n’est pas une valeur. Le concept de justice n’est pas une valeur, mais “agir de façon juste” en est une. Cette façon de voir les valeurs est assez propre à l’ACT. Les raisons sont multiples, mais la plus intéressante de celles-ci est que traduite sous cette forme elle est plus facilement opérationnalisable. L’équité n’est pas une valeur mais agir équitablement en est une. L’écoute attentive est une valeur, mais la disponibilité psychologique n’en n’est pas une. Les valeurs n’ont de sens que si elles se marquent dans nos actions, en guidant celles-ci. Le travail des valeurs est une sorte de travail au leadership intérieur en se permettant de suivre celles-ci. Pour revenir à la vengeance, même si ce n’est pas socialement valorisé, se venger pourrait être une valeur si la vengeance répond à une aspiration profonde et non à un désir d’assouvir un besoin particulier.

L’entraînement à la présence peut se faire de différents moyens et n’est pas l’apanage de “la pleine conscience”. Depuis des années, l’impact de l’attention intentionnelle à Soi et à l’expérience de l’interaction avec l’Autre sont étudiés, bien avant que l’on fasse du mot “pleine conscience” un mot valise en le mettant à toutes les sauces. Certains praticiens vous proposeront donc de la “pleine conscience” ou encore du Leadership Conscient, d’autres, plus inventifs et surfant moins sur la vague du “tout pleine conscience”, entraîneront votre présence d’une façon adaptée à votre sensibilité et aux contextes dans lesquels l’utiliser (car, oui, notre “mode automatique” est aussi très utile dans de nombreuses tâches et de nombreux contextes). Comme vous le constatez, en ACT, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises pratiques, mais des pratiques adaptées aux contextes ET ancrées dans les valeurs personnelles et la propre sensibilité du coaché. Cette réinvention permanente de l’intervention selon le coaché et son contexte est toute la beauté de l’ACT ainsi que le moteur potentiel du sentiment d’insécurité qu’elle peut faire naître chez le coach.

Le choix est notre faculté de pouvoir réaliser une action en connexion à nos valeurs et non nécessairement à nos émotions ou à nos automatismes (car, oui, notre “mode automatique” n’est pas toujours utile). Le choix implique la présence, un moment de recule, un temps pour se poser et faire le point sur l’action qui a le plus de sens ET de chances d’aboutir à quelque chose d’utile à long terme. En s’entraînant régulièrement, il devient même possible d’en faire un rituel, certainement moins rapide que nos automatismes émotionnels, mais qui nécessitera moins de temps, d’énergie et d’efforts à mettre en oeuvre avec le temps.

Bien entendu d’autres axes de travail peuvent faire partie des séances, comme le respect de soi, l’engagement, les relations, la spiritualité … Vous ai-je déjà parlé de la méthode RESPIRE® ?

Références :

https://www.edelman.com/trust-barometer

https://hbr.org/2015/01/the-authenticity-paradox

 

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RESPIRE : Je bouge, donc je pense. Je respire, donc je suis. (Editions l'Harmattan 2021)Voir