« The answer to the question managers so often ask of behavioral scientists
« How do you motivate people? » is, « You don’t. »
– Douglas McGregor –

Gilles Favro – 9 février 2017.

Je vous propose de ralentir et de prendre quelques instants pour réfléchir aux questions suivantes :
La dernière fois que vous avez voulu motiver votre équipe :

  • Quelle intention aviez-vous ?
  • Comment vous-y-êtes vous pris ?
  • Quel(s) résultat(s) avez-vous obtenu(s) ?

Je vous propose maintenant de réfléchir à la question suivante :
Avez-vous besoin de votre chef pour vous motiver à bien faire votre travail ?

Comme le mettait en évidence un article d’Harvard Business School (Sirota, Mischkind, Meltzer, 2006) : La question est moins de motiver ses collaborateurs, que de cesser de les démotiver… !

D’après une étude effectuée de 2001 à 2004, sur une population de 1,2 millions de collaborateurs recrutés par des entreprises mondiales classées dans le Fortune 500, la majorité des collaborateurs étaient enthousiastes et fortement motivés au moment de leur intégration. Or, dans 85 % des entreprises suivies, l’engagement et le moral des collaborateurs déclina fortement au bout des 6 premiers mois, et continua à se détériorer au cours des mois et des années suivantes.

Dans la majeure partie des cas, ce n’est pas la motivation du collaborateur qui est en jeu mais l’environnement de travail.

Comment réussir à démotiver ses collaborateurs ?

Lorsque les environnements de travail ne parviennent pas à donner aux collaborateurs une vision partagée ; une direction et des objectifs clairs ; les moyens d’atteindre leurs objectifs ou simplement de bien faire leur travail.

Lorsque l’entreprise ne favorise pas un sentiment d’appartenance ou d’appréciation ; ne prend pas en compte les besoins de ses collaborateurs ; et que les initiatives ou apports créatifs individuels sont redirigés ou appropriés par d’autres.

Lorsque l’entreprise n’offre pas à ses collaborateurs des possibilités d’apprendre, de progresser ou de se développer.

Lorsque l’échec n’est pas acceptable ni accepté ou lorsque les managers dirigent par une forme de contrôle rigide et coercitif et managent par la peur.

Lorsque un ou plusieurs de ces facteurs sont réunis l’enthousiasme initial se tarit, à l’illusion succède la désillusion et les frustrations accumulées conduisent la personne à une certaine forme de résignation et d’impuissance apprise (Seligman,1974).

Le désengagement observé, se traduit alors par des comportements de retrait, d’absentéisme ou de présentéisme, de retard, de baisse de la qualité et de comportements conflictuels qui ont un impact significatif sur la performance de l’entreprise.

Qu’est-ce que la motivation ?

Du latin « movere » qui signifie se déplacer, être en mouvement, la motivation peut être définie comme l’ensemble des facteurs qui déterminent l’action et le comportement d’une personne, ou d’un groupe de personnes, pour atteindre un objectif ou réaliser une activité.

Une personne qui ne ressent aucune impulsion ou inspiration à agir peut-être caractérisée comme démotivée, alors que quelqu’un qui est en mouvement, avec un niveau d’énergie élevé, pour réaliser une activé ou atteindre un objectif est caractérisé comme motivé. (Deci, Ryan, 2000)

Il s’agit donc pour cette personne ou ce groupe de personnes de définir un objectif partagé, de s’engager à le réaliser et de déployer, dans la durée, les efforts nécessaires à l’atteinte de cet objectif.

La motivation est donc un concept multidimensionnel puisqu’il fait appel aux notions de direction et de sens (l’objectif), d’intensité (le degré d’effort investi) et de durée (la poursuite de l’effort dans la durée). (Levy Boyer, 2006 )

Ainsi la motivation peut-être définie comme un processus qui se renforce ou s’altère en fonction de la satisfaction d’un spectre plus ou moins important des différents besoins de la personne.
Plusieurs modèles théoriques ont abordé la motivation sous l’angle des besoins, des processus cognitifs et du passage de l’intention à l’action

Pour Maslow (1954), l’individu agit en fonction d’une pluralité de besoins. Ces besoins sont hiérarchisés en cinq groupes de besoins (physiologiques, appartenance, sécurité, estime de soi, réalisation.) Tant qu’un besoin n’est pas satisfait, il constitue une source de motivation. A partir du moment où il est satisfait, c’est le besoin de niveau supérieur qui apparaîtra comme une nouvelle source de motivation.

Pour Herzberg (1959), la motivation au travail est liée à deux facteurs, la satisfaction et l’insatisfaction, qui agissent de manière indépendante l’une de l’autre.

Pour McClelland (1961), la motivation humaine est liée à trois besoins fondamentaux ; le besoin d’affiliation (relations interpersonnelles) ; le besoin d’accomplissement (relever des défis, se surpasser, s’accomplir) et le besoin de puissance (pouvoir et influence sur les autres).

Pour Adelfrer (1969), qui élabora la théorie ERG (Existence, Relatedness & growth), la motivation au travail est liée aux besoins d’existence, besoins de rapport sociaux et besoins de développement personnel.

Ronen (1979), remplace la notion de besoins par celle de valeurs. Il propose une analyse factorielle qui compare les valeurs de travail à orientation individuelle aux valeurs de travail à orientation collective ; et d’autre part, les valeurs de travail à orientation matérielle aux valeurs à orientation non-matérielle. La motivation correspond à l’alignement entre les valeurs de l’individu accordées au travail et ce que l’entreprise est en mesure de lui offrir.

Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ?

La théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan, 1985, 2000 ; Ryan & Deci, 2002), apporte une nouvelle perspective sur le sujet de la motivation. Deci et Ryan distinguent différents types de motivation en s’appuyant sur les différentes raisons ou objectifs qui peuvent être à l’initiative d’une action.

La théorie de l’autodétermination est fondée sur la distinction entre motivation intrinsèque qui implique que l’individu exerce une activité parce qu’il en retire du plaisir et une certaine satisfaction et motivation extrinsèque qui consiste à faire quelque chose pour des raisons externes au sujet.

La motivation intrinsèque peut ainsi se définit comme l’accomplissement d’une activité pour l’intérêt qu’elle présente en elle-même ; en l’absence de toute récompense extérieure. (Deci & Ryan, 1985).

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Selon Deci et Ryan, trois besoins fondamentaux constituent les fondements de la motivation intrinsèque :
– le besoin d’autonomie,
– le besoin de compétence,
– le besoin d’appartenance sociale.

Le besoin d’autonomie renvoie au besoin d’expérimenter ses propres choix et ses sentiments, de se sentir l’initiateur de son action (DeCharms, 1968; Deci & Ryan, 2002). Lorsque le besoin d’autonomie de l’individu est comblé, celui-ci se sent libre de choisir et d’organiser lui-même ses actions (Deci & Ryan, 2000; 2002)

Le sujet qui a conscience de ses objectifs organise son activité autour de quatre pôles :
– l’attribution de l’attention à la tâche,
– la mobilisation de l’effort,
– l’accroissement de la persévérance,
– la définition des stratégies de travail.

Lorsque le besoin d’autonomie d’une personne est satisfait, il vit son comportement comme l’expression de son soi profond et authentique ; il agit par intérêt, en cohésion avec ses valeurs (Ryan & Deci, 2002a)

Le besoin de compétence correspond à une nécessité de développer des comportements offrant une satisfaction liée à la réussite, à un sentiment de progrès. Il s’agit pour l’acteur d’exercer ses capacités d’interagir efficacement avec son environnement ce qui stimule la curiosité, le goût d’explorer et de relever des défis. (Deci & Ryan, 1975).

Le besoin d’appartenance sociale correspond à une nécessité d’entretenir avec autrui des relations sociales satisfaisantes et enrichissantes : besoin de créer des liens sociaux permettant un respect mutuel, de la confiance et une attention soutenue… (Deci & Ryan, 2002)

La théorie de l’autodétermination soutient que les humains ont des besoins psychologiques fondamentaux et que leur satisfaction est essentielle à leur croissance, à leur intégrité et à leur bien-être.

Quand ces besoins sont satisfaits, l’organisme connaît la vitalité (Ryan et Frederick, 1997), la congruence interne (Sheldon et Elliot, 1999) et l’intégration psychologique (Deci et Ryan, 1991).

Par contre si ces besoins sont négliges ou faiblement satisfaits, ils auront un impact négatif sur la santé mentale la croissance, l’intégrité et le bien-être des individus (Deci & Ryan, 2008).

Le paradoxe de la motivation

La plus part des organisations recherchent des collaborateurs compétents, autonomes, capables de tisser du lien et des relations interpersonnelles de qualité avec leur collègues et leurs collaborateurs. Toutefois, la plus part du temps, ces mêmes organisations déploient des programmes de motivation par régulation externe pour motiver leurs collaborateurs.

 

Références bibliographiques :
– Deci, E. L., & Ryan, R. M. (1985). Intrinsic Motivation and self-regulation in human behavior. New York: Plenum.
– Deci, E. L., & Ryan, R. M. (2000). The «what» and «why» of goal pursuits : Human needs and the self-determination theory. Psychological Inquiry, 11, 227-268.
– Deci, E. L., & Ryan, R. M. (2002). Handbook of Self-determination research. Rochester: The University of Rochester Press.
– Herzberg F., Mausner B., Snyderman B., The motivation to work, New York, John Wiley and Sons, 1959.
– Lévy-Leboyer C; « La motivation au travail », Editions d’Organisation, 2006.
– Maslow A. H., « Theory of human motivation », Psychological Review, n° 80, 1943.
– McClelland D., The achieving society, Princeton, New Jersey, Van Nostrand-Reinhold, 1961.
– McGregor D., The human side of enterprises, McGraw-Hill, 1960, trad. J. Ardoino et M. Lobrot, La dimension humaine de l’entreprise, Paris, Gau- thier-Villars, 1969.
– Ronen S., Krault A. I., Lingoes J. C., Aranya N. A., « Nonmetric scaling approach to taxonomies of employee work motivation », Multivariate Be- havioral Research, vol. 14,
– Sirota, Mischkind, Meltzer « Why your employees are loosing motivation » Harvard Business School, 2006
– Seligman, M.E.P. (1972). Learned helplessness. Annual Review of Medicine, 23, 407-412.
– Seligman, M.E.P. (1991). Helplessness: On Depression, Development, and Death. Second edition. New York: W.H. Freeman.

 

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